En moins de 48 heures, l'UMP a offert à ses militants et aux Français une toute nouvelle saison du psychodrame interne qui n'en finit plus de rebondir depuis l'élection catastrophique de son président en novembre 2012.

Un conclave ubuesque qui fuite sur les réseaux sociaux, des portes qui claquent, des menaces qui s'expriment à tort et à travers sur les plateaux de télévision, des enquêtes judiciaires visant ses plus hauts responsables... Il n'en faut pas beaucoup plus pour ressusciter les doutes sur la capacité du premier parti d'opposition à se remettre de la sévère crise de leadership qui l'asphyxie depuis maintenant deux ans.

Un bureau politique aux allures de veillée funèbre

Réunis ce mardi 27 mai à l'Assemblée nationale dans le cadre d'un bureau politique de crise, plusieurs ténors de l'UMP ont clairement posé la question de la survie du parti qu'ils ont liée à la démission de Jean-François Copé. "Nous n'avons que quelques semaines pour sauver l'UMP du désastre", a prévenu François Fillon en dénonçant "une gestion qui conduit inexorablement à notre disparition". Le très contesté président de l'UMP aura pourtant plaidé sa cause jusqu'au bout, acceptant sous la contrainte le principe d'un congrès anticipé en octobre 2014 auquel il ne se représentera pas. Une manière de gagner du temps alors que tout semble s'effondrer autour du député-maire de Meaux, dont les plus proches collaborateurs sont mis en cause dans l'affaire Bygmalion.

Mais à l'UMP, la confiance, déjà sévèrement entamée par la guerre civile de novembre 2012, n'est plus. "Nous t’avons écouté avec attention Jean François, mais comment avoir confiance? Depuis des mois je réclame en vain la mise en place d’un comité indépendant de contrôle des comptes. Tu me l’as toujours refusé. Pourquoi?", a attaqué François Fillon. Avant de réclamer, comme d'autres, que le président de l'UMP se mette immédiatement "en réserve". De guerre las, le député-maire de Meaux a rendu les armes: il ne sera plus président de l'UMP à compter du 15 juin prochain.

Une direction tricéphale mais pour quel projet?

L'éviction de Jean-François Copé suffira-elle à panser les plaies qui gangrènent le parti? On peut en douter. Depuis la défaite de Nicolas Sarkozy de 2012, aucun leader incontestable n'est parvenu à émerger à la tête du parti conservateur, facilitant l'émergence de mouvements antagonistes et accélérant la dispersion idéologique entre les ailes modérées et radicales du parti.

Le choix d'une direction intérimaire tricéphale, qui réunira les anciens premiers ministres Alain Juppé, François Fillon et Jean-Pierre Raffarin, n'est qu'un expédient. Rien n'indique qu'elle saura trouver une synthèse entre les sarkozystes, les partisans d'un recentrage, les apôtres de la droite décomplexée copéiste ou les souverainistes tendance Guaino. Des divisions qui pourraient singulièrement compliquer le choix du futur président du parti en octobre prochain avant la primaire de 2016.

 

L'UMP a perdu son "esprit originel"

Les accusations de fausses factures qui pèsent désormais sur la dernière campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy ont touché l'UMP en plein coeur. Véritable machine de guerre électorale conçue pour réconcilier la droite et le centre, le parti a perdu "l'esprit originel" qui avait présidé à sa naissance en 2002, de l'aveu même de son fondateur Alain Juppé.

"Nous n’avons pas réussi à faire preuve de cohésion dans la campagne. Nous n’avons pas tout essayé pour rassembler la droite et le centre malgré la montée des extrémistes que chacun pouvait pressentir", résume François Fillon.

Incapable de prévenir la sécession de l'UDI et la constitution d'un pôle centriste avec le Modem, doublée par le Front national aux élections européennes, l'UMP sans tête se retrouve privée d'une stratégie, d'une colonne vertébrale intellectuelle et peut-être de tout recours extérieur.

Sarkozy, un homme providentiel fragilisé

Ces défis qui font trembler l'UMP sur ses fondations ne sont pas nouveaux. Jusqu'en 2012, seule l'autorité de Nicolas Sarkozy parvenait à empêcher la dislocation d'une famille politique recomposée. Encore aujourd'hui, les partisans de l'ancien président assurent qu'il est le seul à même de faire cohabiter Bruno Le Maire, Thierry Mariani et Henri Guaino dans un même parti.

Mais les soupçons qui pèsent désormais sur la sincérité de ses comptes de campagne ont fragilisé l'hypothèse d'un retour imminent. Même si Jérôme Lavrilleux, bras droit de Jean-François Copé, assure que l'ancien président n'était au courant de rien, l'affaire Bygmalion entache malgré tout l'image d'homme providentiel que tente de se bâtir Nicolas Sarkozy. "Il est totalement disqualifié", s'est réjouie la présidente du FN Marine Le Pen.

La droite parviendra-t-elle à inverser la tendance? Pendant des mois, prédit François Fillon, "l’UMP va vivre au rythme des auditions des policiers et des magistrats, des révélations de la presse, des perquisitions, des mises en examen et des accusations". Pas idéal pour reconstruire un parti politique.