Pour la première fois, le Front national arrive en tête en France d’un scrutin national avec environ 25% des suffrages, soit près de 5 points de points de plus que l’UMP. Le PS ne rassemble que 14,7% des suffrages, selon les premières estimations.

Pour le Front National, c’est le grand soir. Le parti fondé par Jean-Marie Le Pen arrive en tête, et largement, du scrutin européen avec environ 25% des suffrages selon les estimations. En 2009, le FN était à 6,4%…  L’UMP vient ensuite avec 20,3%, puis le PS, le parti du gouvernement, avec… 14,7%, soit un score quasi aussi faible que celui de 1994, quand la liste était menée par Michel Rocard. C’est un véritable séisme… même s’il se profilait, tant le dépit règne dans le pays, surtout parmi les milieux populaires totalement désorientés par la politique « de l’offre » menée par François Hollande.  Mais une chose est certaine, Marine Le Pen est en passe de réussir sa stratégie de dé-dibolisation du FN. Les digues craquent. Les lendemains vont être très difficiles pour le PS et l’UMP.

Profond trouble au PS

La majorité au pouvoir va se retrouver dans une situation très difficile avec ce second échec après celui des élections municipales… En attendant, peut-être, le prochain aux élections régionales. D’ailleurs, François Hollande a convoqué une réunion de crise demain lundi 26 mai à l’Elysée. Les tensions internes au parti majoritaire vont en effet s’exacerber. Le « bloc des 41″, qui n’a pas voté le programme de stabilité prévoyant les 50 milliards d’euros d’économies et le pacte de responsabilité, va réclamer d’autres inflexions, et ça a commencé ce 25 mai au soir,  dans la politique économique en faveur des ménages les plus modestes.

Pour eux, au-delà d’un strict point de vue économique, il s’agirait de tenter de reconquérir un électorat populaire dépité qui se tourne de plus en plus vers le Front National, faute d’avoir l’impression d’être pris en considération. Mais il y a peu de chances pour que le gouvernement de Manuel Valls modifie sa politique. D’ailleurs, en intervenant ce soir, celui-ci a confirmé la continuation de la politique actuelle, misant tout sur la réforme territoriale du pays pour apaiser les tensions. Dans l’immédiat, pour le Premier ministre, l’allègement de l’impôt sur le revenu des moins favorisés, applicable dès cette année, est déjà acté. C’était la réponse immédiate à apporter à cette question des bas revenus. Il n’y aura pas d’autres gestes, du moins pas avant 2015. La priorité est maintenant à l’application du pacte de responsabilité. En espérant qu’il fera sentir ses effets sur les chiffres du chômage.

La pression pour une dissolution de l’Assemblée va s’exacerber

Bien entendu, espérant surfer sur son succès, Marine Le Pen ne va avoir de cesse de réclamer la dissolution de l’Assemblée nationale, estimant que le président de la République n’a plus de majorité. Jean-Marie Le Pen a d’ailleurs déjà demandé la dissolution dès ce dimanche soir.  Bien entendu, ce sera en pure perte. Mais le climat va incontestablement se tendre. Paradoxalement, la majorité va trouver avec l’UMP son meilleur allié pour éviter la dissolution. Le principal parti de l’opposition craint en effet très fortement la concurrence des candidats frontistes en cas d’élections législatives anticipées. Du moins, tant que l’UMP reste dans sa configuration actuelle.

 

De fait, avec la victoire du FN, cela risque de fortement tanguer à l’UMP. Les forces contraires qui s’expriment plus ou moins mezza voce au sein du parti vont prendre davantage d’ampleur.

L’UMP secouée par ses différents courants internes

ll y a d’abord ceux de la « Droite Populaire » qui vont réclamer quasi ouvertement un dialogue, voire une future alliance, avec le Front national, estimant que celui-ci s’est dé-diabolisé et est est devenu nettement plus fréquentable que par le passé. A l’inverse, les anciens Premiers ministres Alain Juppé et Jean-Pierre Raffarin affirmeront exactement l’inverse, estimant que l’UMP ne doit pas tergiverser avec les « valeurs » et qu’il convient davantage de regarder du côté des centristes de l’UDI. François Fillon, lui, tactiquement, s’est déjà interrogé à voix haute sur l’avenir de l’UMP. Il semble avoir de gros doutes sur le maintien de la formation. Et ce non seulement en raison des divisions internes sur la stratégie à adopter par rapport au Front National, mais aussi à cause de la grave crise de gouvernance que connaît le mouvement.

Jean-François Copé va-t-il perdre la présidence de l’UMP?

Englué dans l’affaire « Bygmalion » – du nom de l’entreprise organisatrice de différentes manifestations internes à l’UMP appartenant à des proches de Jean-François Copé et dont les prestations auraient été surfacturées – l’actuel président de l’UMP est de nouveau très contesté. Mardi 27 mai, le bureau de l’UMP va donner lieu « à un grand déballage », selon les propres termes d’un cacique du parti. Un remake de « règlement de compte à OK Corral » se profile. Il n’est d’ailleurs pas exclu que Jean-François Copé soit contraint de quitter la présidence sous « l’amicale » pression de plusieurs ténors du parti. Surtout que l’on pourra lui faire porter la responsabilité de l’échec de l’UMP face au FN.

Une situation confuse qui pourrait pousser Nicolas Sarkozy à sortir de sa « fausse » préretraite politique. Mais l’ancien chef de l’Etat a un problème : plusieurs hypothèques judiciaires pèsent sur lui et elles ne sont pas encore levées, loin de là. De plus, s’il reste le plus populaire des potentiels candidats à droite pour l’élection présidentielle, Alain Juppé commence à lui tailler des croupières. Et, une fois revenu dans l’arène, Nicolas Sarkozy risque de perdre rapidement de son aura.

Toute cette confusion va faire le bonheur de Marine Le Pen. Les bisbilles internes à l’UMP et la grande déprime qui va régner au sein du PS ne pourront que galvaniser les cadres de son parti qui vont redoubler d’efforts dans la perspectives des prochains scrutins locaux et nationaux. Indéniablement, avec sa victoire, au scrutin de dimanche, le Front National va se retrouver au centre de l’échiquier politique dans les mois à venir. On ne va parler que de ça.

Latribune.fr