C'est la réplique des gouverneurs des banques centrales africaines aux détracteurs de la monnaie liée à l'euro, renvoyant le débat sur sa fin aux calendes grecques.
Ceux qui s'attendaient à un débat plus ouvert et franc devront encore attendre. En effet, en quelques jours, les langues se sont déliées, les publications se multiplient, animées autour de la prise de parole de Carlos Lopès bientôt ex à l'Uneca.

Il quitte ses fonctions et ses bureaux confortables d'Addis-Abeba pour mener un autre combat qui nécessite selon lui un peu plus de liberté de ton. Dans tous les cas, il est parti avec fracas en déclarant que « le franc CFA est désuet », car immuable depuis 30 ans, malgré l'avènement de l'euro. Un pavé dans la mare. La réponse à ses critiques est venue depuis Paris lors de la rencontre annuelle des responsables du franc CFA, réunion qui a toujours lieu à Paris, plus de 70 ans après la naissance de la monnaie commune à l'Afrique de l'Ouest et centrale. « Ce n'est pas le franc CFA qui est en crise, elle provient de chocs exogènes qui impactent nos économies », a affirmé Lucas Abaga Nchama, le gouverneur de la Banque centrale des États d'Afrique centrale (BEAC), lors d'une conférence de presse. Selon les responsables du franc CFA, cette monnaie utilisée par une quinzaine de pays résisterait mieux aux chocs externes que d'autres pays d'Afrique. Explications.

La faute à la conjoncture

« Ce sont les cours des matières premières, notamment le pétrole, qui impactent négativement nos économies », a répondu Lucas Abaga Nchama aux critiques formulées contre le franc CFA, monnaie liée à l'euro par un système de parité fixe et accusée par certains économistes de freiner le développement de l'Afrique. Dans un entretien à l'AFP, le secrétaire général adjoint de l'ONU, Carlos Lopes, avait estimé cette semaine que le franc CFA était un mécanisme « désuet » qui devrait être revu. Un jugement rejeté par le gouverneur de la Banque centrale des Comores, Abdou Mohamed Chanfiou : « Nous avons les taux les plus faibles de l'Afrique subsaharienne et avoir une inflation faible, c'est aussi avoir un coût au crédit beaucoup plus faible par rapport aux autres économies », a-t-il expliqué. Pour M. Abaga, la crise demande avant tout « des réformes structurelles et des ajustements ». « Nous nous réjouissons que beaucoup d'États se soient engagés dans cette voie aujourd'hui », a-t-il dit au terme de cette réunion qui s'est tenue en amont de celle d'automne du FMI la semaine prochaine à Washington. Pour une bonne partie de l'intelligentsia africaine, il faut voir au-delà de la conjoncture, pour s'attaquer aux causes structurelles, comme la vigueur du franc CFA qui rend l'importation plus attractive que la production locale ! En fait, c'est le système tel qu'il est conçu qui rend l'Afrique sensible aux chocs des matières premières.

Le débat est-il clos pour autant ?

Le ministre français de l'Économie et des Finances, Michel Sapin, a qualifié le débat de « respectable » sans pour autant s'en saisir pleinement ou fixer un début d'agenda avec des responsables africains de la zone. « La France est là pour garantir la stabilité monétaire et pour faire en sorte qu'une monnaie qui n'est pas la sienne (...), puisse apporter le mieux possible, y compris et surtout dans des périodes aussi difficiles que celle que nous traversons, un peu de stabilité, moins d'inflation que dans bien d'autres pays d'Afrique aujourd'hui », a-t-il appuyé. Créée en 1939, la zone franc est un espace économique et monétaire d'Afrique subsaharienne, où vivent quelque 155 millions d'habitants. Elle comprend 14 pays d'Afrique subsaharienne (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo, Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, République de Centrafrique et Tchad). Le quinzième membre est l'archipel des Comores. La monnaie commune à cette zone est depuis 1945 le « franc CFA », qui signifie « franc de la communauté financière africaine » dans l'UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) et « franc de la coopération financière en Afrique centrale » dans la Cemac (Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale). Le « CFA », autrefois arrimé au franc français, dispose d'une parité fixe avec l'euro. Ce lien fort est considéré par beaucoup comme un gage de stabilité.