« C’est à nous, la jeunesse africaine, d’apprendre à nos dirigeants à placer les intérêts de leur peuple avant leurs intérêts personnels. » Le SMS est cinglant, amer. Son auteur, Kidza, un jeune Zimbabwéen, vient de répondre comme près de 86 000 autres jeunes Africains de 15 à 30 ans au plus grand sondage par mobile que l’Unicef a mené sur le continent. L’opération, qui s’est déroulée du 18 mai au 1er juin, a permis de diffuser dans neuf pays cibles – Nigeria, Burkina Faso, Mali, République centrafricaine, Sénégal, Liberia, Zimbabwe, Cameroun et Guinée – un questionnaire portant sur les conflits qui touchent directement ou indirectement les jeunes et les enfants.

« L’objectif était de recueillir l’opinion des jeunes Africains sur les solutions à apporter aux crises et leur demander comment les dirigeants pourraient leur assurer un avenir meilleur à l’écart des conflits », explique Fatou Binetou Dia, chargée de l’opération pour le Sénégal. Au vu des résultats, dévoilés jeudi 16 juin, à l’occasion de la Journée de l’enfant africain, les jeunes sondés ne manquent pas de dénoncer l’inaction des dirigeants des neuf pays visés par l’opération. Deux tiers d’entre eux critiquent le manque de volonté politique de leur gouvernement, « incapable de réaliser les efforts nécessaires pour mettre un terme aux crises sécuritaires actuelles ».

A la question « Pourquoi l’Afrique est-elle plus propice aux conflits que d’autres régions du monde ? », 56 % des jeunes interrogés ont répondu : « la quête de pouvoir des politiciens », 19 % « les inégalités », 17 % « la pauvreté » et 4 % « l’accès à l’eau et à la nourriture ». Ces résultats qui sonnent comme un désaveu des politiques actuelles de gouvernance ont été présentés jeudi aux leaders de l’Union africaine (UA), dont le prochain sommet est prévu dans moins d’un mois à Kigali.

Nécessité d’un dialogue panafricain

Nkosazana Dlamini-Zuma, la présidente de la commission de l’Union africaine, semble avoir mesuré l’importance de ce cri d’alerte. « Il est crucial et même urgent pour les dirigeants de l’UA de considérer la voix de la jeunesse si nous voulons mettre un terme aux conflits d’ici à 2020, comme il est annoncé dans l’agenda 2063 », a-t-elle affirmé. Avant d’inciter les jeunes à « eux aussi reconnaître leur rôle et prendre leurs responsabilités dans la réalisation de cet objectif phare ».

Ce sondage tombe particulièrement mal pour la commission de l’Union africaine qui éprouve les plus grandes difficultés à lutter contre les divisions internes. Echouant à apporter une réponse forte et un engagement commun face aux crises sécuritaires du continent. De son côté, la jeunesse semble avoir trouvé quelques pistes pour aider les chefs d’Etats africains à se ressaisir de ces problématiques.

Parmi les dizaines de milliers de réponses obtenues via l’outil de messagerie U-Report qui a servi à diffuser le questionnaire et à recevoir les réponses, la nécessité d’un dialogue panafricain est la préoccupation qui revient le plus fréquemment. Suivent les appels à la paix, à l’autosuffisance alimentaire et à la construction de démocraties débarrassées du clientélisme et de la corruption.

« Que peuvent faire les chefs d’Etats pour stopper les conflits ? », demande le sondage en guise de conclusion. Pour un quart des jeunes, la solution se trouve dans une économie forte ; 24 % privilégient l’appel au dialogue ; 20 % signalent un besoin accru d’indépendance dans la politique extérieure de leur pays ; 19 % soulignent le besoin d’investissements conséquents dans « une bonne éducation » et seuls 9 % réclament un renforcement des mesures sécuritaires en cours dans leur pays.