Le Seedstars Summit réunit, le 3 mars à Lausanne, 54 start-up de 54 pays émergents, dont 16 pays africains. Quelle est sa finalité ? Nous cherchons à sélectionner les meilleurs entrepreneurs dans les pays émergents afin de leur apporter de la visibilité et un possible soutien financier.

En 2030, 87 % de la population de la planète sera justement dans ces pays dont les économies contribuent déjà à la moitié du PIB mondial. Les entreprises et investisseurs occidentaux savent que les opportunités de croissance se trouvent dans les pays émergents, mais de nombreux a priori demeurent. Certains investisseurs vont, par exemple, d’emblée évoquer le virus Ebola lorsqu’ils parlent Afrique. D’autres avanceront des risques de corruption, de drogue, d’instabilité politique, de criminalité…Il existe toujours deux faces à une histoire. Notre structure, Seedstars, cherche à montrer que le talent se trouve partout dans le monde, même s’il n’existe pas partout les mêmes opportunités pour que ce talent puisse s’exprimer.

Que proposez-vous concrètement à ces start-up ?

Lors de cette compétition, que nous organisons pour la troisième fois, les 54 finalistes sont mis en relation avec des investisseurs, des clients potentiels, des conseillers… Le gagnant se voit offrir un tour de table avec des investisseurs internationaux, dont notre structure, Seedstars. Une nouvelle catégorie de financement vient également d’être créée cette année pour l’industrie du voyage. En partenariat avec Lastminute.com Group, la meilleure start-up de cette catégorie recevra jusqu’à 500 000 euros. Inmarsat et AP-Swiss, leaders dans la promotion de l’industrie aérospatiale, attribueront, eux, un prix de 50 000 dollars à la meilleure start-up utilisant les technologies satellites.

La société allemande Rocket Internet (un des actionnaires du Africa Internet Group) construit des groupes numériques, notamment en Afrique. Est-ce votre modèle ?

On peut dire, en effet, que nous sommes dans la catégorie des « company builders ». Nous cherchons tout autant à financer et créer des entreprises que tisser des passerelles entre grands groupes, investisseurs et start-up dans les pays émergents.

En tant qu’investisseurs, Seedstars prend des participations minoritaires dans certaines start-up mais lance également ses propres entreprises, comme nos projets dans la finance mobile et l’assurance tech au Nigeria. Parallèlement, nous devenons, au fil des années, des « conseillers » en innovation pour de larges structures intéressées par ces marchés. Nous aidons des acteurs privés ou publics à mieux comprendre un pays émergent pour y rentrer ou pour trouver de nouvelles activités de croissance.

Comment avez-vous sélectionné les 54 finalistes dans 54 villes du monde ?

Le processus de sélection est standardisé, les critères de sélection étant les mêmes à Erevan (Arménie), Beyrouth (Liban), Lagos (Nigeria), Jakarta (Indonésie) ou Téhéran (Iran). Les start-up candidates doivent exister depuis moins de deux ans et avoir bénéficié de moins de 500 000 euros d’investissement. Leur produit ou service doit être déjà viable et présenter un potentiel de développement. Au final, les candidats sont en très grande majorité des entreprises naissantes dans le domaine des nouvelles technologies de l’information.

Un réseau de partenaires locaux, présent dans les 55 villes, nous aide à faire un premier tri. Notre bureau à Genève sélectionne ensuite dix start-up par pays. Ces candidats présentent enfin leur projet face à un jury où siège en général un entrepreneur reconnu du pays, des investisseurs locaux, un incubateur et un membre de seedstars pour conserver une cohérence. Ce sont les gagnants de ces 54 compétitions locales qui se retrouvent finalistes le 3 mars à Lausanne.

Au vu des 300 start-up étudiées en 2015, quels nouveaux usages et services voyez-vous émerger ?

La révolution numérique touche tous les secteurs d’activités. Les consommateurs utilisent de plus en plus leurs téléphones portables, et maintenant leurs smartphones dans des actes quotidiens. Nous voyons donc, dans tous les pays, se multiplier les plates-formes d’achats, d’éducation ou de jeux. Le domaine de la santé est également très présent. Quel que soit le continent, des applications proposent de mettre en relation clients et praticiens, permettent de consulter des avis ou avoir une consultation virtuelle…

Autre tendance mondiale, la multiplication des applications à destination des entreprises tout autant pour créer des plates-formes d’achats que pour gérer les ressources humaines, la comptabilité ou la paye, tâches particulièrement compliquées à organiser dans les pays émergents.

Avec des spécificités par continents ?

En Asie, le e-commerce est très dynamique, alors qu’en Amérique du Sud, nous avons reçu beaucoup de propositions concernant les jeux. En Afrique subsaharienne, le succès de m-pesa, au Kenya, inspire les entrepreneurs. Plus d’un quart des propositions que nous avons reçues concernaient la finance. En Afrique, d’ailleurs, de nombreuses solutions sont d’emblée proposées pour téléphones ou smartphones. En Asie et en Afrique, plusieurs projets utilisant la « blockchain » (procédé permettant de valider en ligne des transactions sans passer par une autorité centrale), qu’on annonce comme une innovation de rupture, n’ont pas été sélectionnés dans les finalistes. Votre approche permet-elle vraiment de capter les signaux faibles ?

Il est vrai qu’il est difficile d’être certain de capter les signaux faibles ou très faibles. Nous sommes vite biaisés par notre approche qui se veut, malgré tout, de court terme. Nous cherchons des candidats sur lesquels on peut investir dès maintenant et qui ont déjà trouvé leur « business model ». Il est vrai également que la personnalité de l’entrepreneur, sa capacité à porter plus avant le projet, est probablement le critère le plus important.

Pour de nombreuses start-up qui se présentent spontanément, nous nous disons souvent : si nous pouvions les accompagner un peu plus, leur apporter notre réseau, certains projets auraient de vraies perspectives. C’est justement pour favoriser l’émergence de projets viables que nous commençons désormais à proposer des formations académiques locales ainsi que des lieux d’incubation, comme à Lagos où je me suis récemment installée.

C’est bien ?

C’est l’un des plus grands hubs technologiques de la planète. Vivre dans les marchés émergents, c’est le truc malin à faire aujourd’hui. Parce que c’est là, en Afrique et ailleurs, que réside le futur de l’innovation.