TECHNO - Paul Duan est un petit génie de 22 ans qui aime jouer avec les chiffres et les données informatiques (la data, comme on dit chez les initiés). Une passion qui le conduit naturellement vers la création d'algorithmes sur Internet, ces règles opératoires qui permettent de résoudre un problème grâce à un nombre fini d'opérations, comme c'est écrit dans Le Larousse.

Mais ses algorithmes à lui ne sont pas là pour concurrencer Google ou un autre géant de l'Internet. Ils visent à aider les entreprises solidaires et les Etats à améliorer leurs services aux populations vulnérables. En créant une ONG au printemps 2014, son message est clair. Elle s'appelle Bayes Impact et sa première contribution a consisté à mettre au point, pour des entreprises américaines de microcrédit, des algorithmes de détection de fraude et de prévision du risque de défaut de paiement. "Ces sociétés doivent calculer au mieux leurs risques afin de perdre le moins d'argent possible, précise Paul Duan, dans le but de pouvoir accorder des prêts de moins en moins chers. Elles ont vu leurs pertes baisser de 30% et ont pu dans le même temps réduire le coût des prêts octroyés".

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Paul Duan aime bien laisser entendre que son violon d'Ingres, c'est le bien commun. Peut-être est-il déjà soucieux de commencer à façonner sa légende. Mais son histoire parle d'elle-même. A peine entré dans le monde du travail, au sein d'entreprises promettant des mille et des cents (PayPal, Eventbrite), il a préféré monter une ONG, avec peu de moyens au départ et surtout un milieu de travail difficile (administrations publiques, hôpitaux). Sans doute son histoire personnelle l'a guidé dans ce choix. Elle ne commençait pas sous les meilleurs auspices. Il grandit à Trappes, une banlieue parisienne déshéritée, patrie de Jamel Debbouze et d'Omar Sy, entre des "camarades" parfois violents et des parents nostalgiques d'une Chine à jamais perdue. A l'adolescence, il subit une longue dépression. "Il a fallu que je trouve une raison de vivre, d'être utile, se souvient Paul, lors de sa conférence à l'Echappée Volée 2015. J'avais les compétences, la volonté, je voulais changer les choses, alors j'ai créé une ONG deux ans après avoir travaillé dans la Silicon Valley, afin de pouvoir compiler les meilleurs savoirs d'ingénierie informatique et devenir la plus performante possible. Je voulais une ONG. Pas autre chose."

Le "Uber" des ambulanciers

La messe est dite. Paul Duan travaille en ce moment avec plusieurs entreprises d'ambulances - toujours aux Etats-Unis parce que c'est là-bas qu'il a obtenu son premier job - afin de les aider à optimiser le trajet des véhicules puis, une fois qu'ils ont déposé les patients à l'hôpital, leur indiquer où se situe la prochaine intervention la plus proche. En les suivant à la trace depuis un écran d'ordinateur. A la manière d'Uber en quelque sorte, mais pour les accidentés.

"C'est difficile de travailler avec ce type d'entreprises, notamment quand elle sont publiques, parce qu'elles sont ancrées dans des processus décisionnels longs, fastidieux et complexes, explique Paul. Aussi, quand elles me disent 'Rendez-vous compte, vous souhaitez nous emmener dans le futur, ça n'est pas simple', je leur réponds que je veux juste les ramener dans le présent..."

Un autre de ses projets encore plus ambitieux consiste à réduire les risques de complication des patients hospitalisés. 10 millions de personnes seraient concernés selon ses calculs. L'algorithme consisterait à étudier minutieusement chaque dossier de patient entrant, étape que les médecins ne privilégient pas toujours, par manque de temps. Ces calculs permettraient de prévenir les risques de complication, souvent liées à un premier traitement administré insuffisant. Il vient de signer un contrat avec Sutter Science, un groupe qui détient 19 hôpitaux outre-Atlantique. Outre l'envergure des projets qu'il entend mener, Paul Duan considère que la marche du monde tend inexorablement vers un monde plus quantifié, un monde de la donnée informatique. Son envie à lui est de vouloir utiliser cette tendance à bon escient. En espérant que la dynamique préventive à la "Minority Report" ne l'emporte pas.