La formule a de quoi marquer les esprits. Nicolas Sarkozy met en garde contre le « FNPS » pour les élections départementales des 22 et 29 mars, dans un entretien paru lundi 2 mars dans Le Figaro. Se refusant à faire un pronostic pour ce scrutin, M. Sarkozy déclare : « Voter pour le FN au premier tour, c’est faire gagner la gauche au second. C’est le FNPS ! », en affirmant : « Voter pour l’UMP n’a jamais en revanche fait gagner la gauche. Voter FN, si. La seule réalité électorale, c’est le FNPS. »

Une offensive coordonnée dans le camp Sarkozy. « Le Parti socialiste fait monter par sa politique le Front national (…) Cela se passe entre eux et pour eux », a abondé Brice Hortefeux, lundi, sur France Info. « La montée du FN est du pain bénit pour le PS. C'est un système 'FNPS'. Ils sont entre eux. La réussite de l'un entraîne le maintien de l'autre », a renchéri le porte-parole de l'UMP, Sébastien Huyghe le même jour lors d'un point presse au siège parisien du parti de droite. « C'est une évidence que le Front national, depuis François Mitterrand, est la chose du Parti socialiste », a encore estimé Gérald Darmanin, dimanche, sur I-Télé.

UN ANGLE D'ATTAQUE RÉCURRENT

Un angle d'attaque tout sauf nouveau : depuis les élections législatives de 1986, pour lesquelles François Mitterrand avait rétabli la proportionnelle afin de contrer la « vague bleue » redoutée et permis l'entrée de députés FN à l'Assemblée, une partie de la droite accuse les socialistes d'instrumentaliser l'extrême droite à son encontre. Le prédécesseur de M. Sarkozy à la tête de l'UMP, Jean-François Copé, avait déjà utilisé ce slogan le 17 octobre 2013 en faisant porter sur l'actuel chef de l'Etat la responsabilité de la montée de l'extrême droite. « Oui, j'accuse François Hollande, par sa politique, de favoriser la montée du Front national (…) Ce n'est pas l'UMPS [comme le dit Marine Le Pen], c'est le FN-PS. »

En mai 2013, Nadine Morano avait également évoqué un prétendu axe « FNPS », en affirmant sur Twitter que ce serait « une réalité politicienne et mitterrandienne ». Evoquer un axe « FNPS » est aujourd'hui une tentative de la part de M. Sarkozy de détourner l'expression « UMPS », régulièrement employée par la présidente du FN, Marine Le Pen, pour renvoyer dos à dos UMP et PS. L'ancien chef de l'Etat veut d'ailleurs absolument changer le nom de son parti pour casser ce slogan. « J’en ai assez des sigles qui permettent d’être caricaturés », a-t-il tonné le 13 décembre devant plusieurs centaines de cadres de son parti réunis à Paris. Depuis son retour,M. Sarkozy répète qu'il ne veut pas laisser prospérer l’idée que l’UMP et le PS feraient la même politique. Pas question de donner du grain à moudre au parti lepéniste, qui souligne le mimétisme et la connivence supposés entre les deux partis de gouvernement.

CASSER l'"UMPS"

En employant cette formule, le président de l'UMP cherche à susciter un vote utile en faveur de son parti lors des prochains scrutins. La droite espère sortir vainqueur des départementales mais la progression du FN pourrait venir contrarier son objectif. Selon un sondage Odoxa pour Le Parisien/Aujourd’hui en France, publié lundi, la formation d'extrême droite arriverait en tête du premier tour des départementales avec 33 % des intentions de vote, devant l’UMP/UDI (27 %) et le PS (19 %). Limiter la progression du FN est donc une priorité pour M. Sarkozy, dans l'optique des élections départementales et des régionales de 2015. « Si on est désuni, on sera derrière le FN », a-t-il prévenu devant les députés UMP, le 2 décembre.

En dénonçant un axe présumé entre le PS et le FN, M. Sarkozy cherche aussi à détourner les critiques sur la porosité existante entre les électorats de droite et d'extrême droite. Et à contenir le risque d'hémorragie de ses électeurs vers le parti frontiste. Lors de la dernière législative partielle du Doubs, 49 % des électeurs du candidat UMP au premier tour auraient fait le choix du FN au second, selon une étude de Joël Gombin, chercheur en science politique à l'Université de Picardie. Un niveau bien plus élevé que pour le PS. De la même manière, près d'un électeur sur cinq (19 %) ayant voté pour M. Sarkozy au premier tour de la présidentielle de 2012 « souhaitent » une victoire du FN aux élections départementales, selon un sondage IFOP pour Le Journal du dimanche, publié le 1er mars. Ce qui représente le taux le plus fort parmi les électeurs n'ayant pas voté pour Marine Le Pen en 2012.

« LE 'FNPS' N'A PAS DE TRADUCTION DANS LES URNES »

Depuis son départ de l'Elysée, M. Sarkozy dénonce une « alliance objective » entre le PS et le FN, en affirmant que Madame Le Pen a fait élire François Hollande à la présidentielle de 2012, en se prononçant pour un vote blanc et sans donner de consigne de vote. Au lieu de risquer de se retrouver sur la défensive sur l'attraction d'une partie des électeurs de droite pour le parti de Marine Le Pen, M. Sarkozy préfère porter le fer contre ses adversaires de gauche en les rejetant dans le camp de l'extrême droite.

Sauf que « ce slogan du 'FNPS' n'a pas de traduction dans les urnes », souligne le sondeur de l'IFOP, Frédéric Dabi, en rappelant que sur 100 électeurs ayant voté pour la candidate du FN au premier tour de la dernière présidentielle, 54 % ont voté de M. Sarkozy au second tour et seuls 21 % pour M. Hollande, selon une étude réalisée par son institut le 6 mai 2012. En parlant de « FNPS », M. Sarkozy poursuit sa stratégie qui consiste à mettre le PS et le FN sur le même plan. Lors des cantonales de 2011, l'ancien chef de l'Etat avait acté -sous l’influence de Patrick Buisson, son ancien conseiller venu de l’extrême droite- la stratégie du « ni-ni », qui consiste à ne prendre parti ni pour le FN ni pour le PS. C'est l'autre objectif du président de l'UMP : détourner les critiques sur le manque de clarté de la position de l'UMP vis-à-vis du FN, après les tergiversations du parti de droite suite au premier tour de la partielle du Doubs.