Sa première conférence de presse faite sur la pelouse du stade Saputo, l’antre de l’Impact de Montréal, avait donné le ton. Le 30 juillet, devant plusieurs milliers de supporteurs et une centaine de journalistes, Didier Drogba ne cachait pas son objectif :

« Je viens ici pour gagner, contrairement à ce que certains pensent. Si je me sentais cramé, je n’aurais jamais accepté ce défi. J’ai quitté Chelsea pour jouer davantage. Je suis un homme de défis et il y en a un beau devant moi. » Trois mois, onze buts et une qualification pour les playoffs plus tard – la deuxième de l’histoire d’un club qui n’a rejoint la Major League Soccer (MLS) qu’en 2012 –, l’Ivoirien a pleinement rempli son pari.

A 37 ans, l’ex-international ivoirien n’a pas traîné pour faire taire les sceptiques qui évoquaient une retraite dorée en Amérique du Nord, un faible défi sportif, un âge avancé et un rendement personnel en baisse. Après une première entrée en jeu difficile le 22 août face à Philadelphie (défaite 1-0), ponctuée par une légère blessure au pied le contraignant à quelques jours de repos, Didier Drogba a rapidement changé le visage de l’Impact. L’entraîneur Frank Klöpas congédié après un mois d’août catastrophique, l’équipe montréalaise s’en est remise au quadruple champion d’Angleterre pour relever la formation québécoise, dirigée à présent par l’ancienne gloire locale Mauro Biello.

Contrairement à Kaka (Orlando City SC), Andrea Pirlo ou encore Frank Lampard (New York City FC), en petite forme lors de leur arrivée en MLS cette saison et incapables d’emmener leur équipe en playoff, Didier Drogba a régalé dès sa première titularisation, le 5 septembre face à Chicago (succès 4-3), club qui a longtemps fait la cour à l’ex-buteur de Chelsea, en vain. Avec un triplé et une rage de vaincre communicative, l’Ivoirien avait déjà convaincu ses partenaires. « Il donne sans arrêt des conseils, explique l’international canadien Maxim Tissot. Et lorsqu’on est en difficulté, il quitte son poste et nous aide en défense. Ça remonte le moral de voir une telle vedette s’impliquer autant. » L’intéressé refuse quant à lui de se mettre en avant. « Sans mes coéquipiers, je ne sers à rien, expliquait-il après un doublé à la fin de septembre. Je prends du plaisir à jouer avec eux. Je me sens de mieux en mieux. Je n’ai pas eu le temps de réaliser une vraie préparation, et l’enchaînement des matchs m’aide à monter en puissance. Je suis content de mon choix de ville et de club. »

Décisif sur le terrain, incroyablement précis (11 buts en 21 tirs cadrés), capable toujours de sacrés coups d’éclat, comme ce nouveau doublé en moins de deux minutes contre Toronto le 25 octobre, Didier Drogba a su trouver les mots pour rassembler une équipe un temps à la dérive avant de s’affirmer comme un sérieux prétendant au titre avant le premier tour des playoffs, jeudi, une nouvelle fois face au rival torontois. « Quelque chose s’est passé depuis son arrivée. On est les mêmes joueurs, mais il y a de la vie. Il a apporté de la joie et de la gaieté au groupe », assurait un soir de victoire le Franco-Sénégalais Hassoun Camara, avant d’entonner un chant et une danse en l’honneur de son buteur en compagnie du Camerounais Ambroise Oyongo. « L’équipe est plus soudée, confirme le capitaine Patrice Bernier. Il a apporté un autre état d’esprit, un souffle positif. »

Au sein de la direction de l’Impact, l’implication de Didier Drogba ne cesse d’étonner. « Dès notre première rencontre, avant sa signature, il a déclaré qu’il ne voulait pas porter l’équipe sur ses épaules, se souvient Richard Legendre, le vice-président. On a senti son humilité. C’est un joueur d’équipe, sensible aux autres, mais aussi exigeant envers lui-même et ses coéquipiers. Il n’est pas venu en MLS pour se balader. »

Si sportivement Didier Drogba rayonne, économiquement, l’attaquant, payé 2,17 millions de dollars pour sa première mi-saison nord-américaine (loin de Kaka, joueur le mieux payé, avec 7,17 millions de dollars), cartonne également. Alors que son maillot floqué de son numéro 11 fétiche s’arrache à la boutique montréalaise, cinq des six dernières rencontres de l’Impact au stade Saputo se sont disputées à guichets fermés (20 801 spectateurs). A la mi-octobre, dans la banlieue sud de Boston, la visite de l’ex-joueur de Guingamp et Marseille a même attiré 43 000 spectateurs dans le Massachusetts, lors du succès des Québécois face aux locaux de New England (0-1), contre moins de 20 000 habituellement. Toute l’Amérique est sous le charme.

LE MONDE, Par Romain Schué (à Montréal)

Mamadou Lamarana LY pour maguinee.com