Éva Sow Ebion fait la fierté de l'Afrique geek qui s'affirme. CTIC Dakar dont elle est la chargée de développement est un hub dédié à l'innovation, à l'entrepreunariat et aux nouvelles technologies. Il est le premier incubateur d'entreprises spécialisé dans les TIC en Afrique francophone avec plus de 75 PME accompagnées et près de 1 800 porteurs de projets coachés. Le rêve d'Éva Sow Ebion s'y réalise, car la jeune femme à l'expertise confirmée y trouve l'opportunité d'accompagner la croissance de success-stories et de promouvoir l'émergence des champions de demain.

Mais comment aller aussi loin quand l'environnement infrastructurel, économique et financier n'est pas toujours en phase ? Éva Sow Ébion et les équipes de CTIC Dakar ne se posent plus tellement ces questions. Leur urgence est de rattraper un certain retard, notamment pour obtenir plus de financement pour les entrepreneurs. Le Point Afrique l'a rencontrée sur la scène de la Gaîté Lyrique à Paris dans le cadre des conférences organisées par Afrobytes, premier hub qui se fait fort de donner de la visibilité aux acteurs importants de la tech africaine en favorisant les échanges sud-sud et nord-sud. Un rendez-vous qui se poursuit jusqu'au 12 juin dans la capitale française. Elle aborde pour Le Point Afrique les différents sujets qui font l'actualité des tech hubs africains.

Le Point Afrique : Comment se porte l'écosystème des hubs technologiques en Afrique francophone ?

Éva Sow Ebion : C'est vrai que notre environnement au Sénégal est très positif avec un taux de pénétration du mobile à plus de 113 %, de pénétration de l'Internet qui est à plus de 50 %, même s'il y a encore beaucoup de défis, que ce soit au niveau du financement, de la recherche-développement. Seul bémol, on n'a pas de fonds souverain dédié à l'innovation ou à l'entrepreneuriat, donc c'est assez compliqué. La meilleure réponse ? C'est la jeunesse. La population est encore très jeune, donc ils sont eux-mêmes confrontés aux questions de l'emploi, au positionnement qu'ils ont par rapport au reste du monde. Ils sont connectés via leur mobile sur les réseaux sociaux, donc ils voient ce qu'il se fait de mieux dans le monde. Et ils proposent des solutions qui peuvent changer leurs vies et celles de leur pays. L'idée aujourd'hui est de pouvoir mettre l'Afrique francophone en avant comme peut l'être l'Afrique anglophone, on a beaucoup de fonds d'investissement qui se sont tournés vers le Rwanda, le Ghana, le Nigeria, l'Éthiopie, l'Afrique du Sud, c'est encore extrêmement timide dans nos sociétés francophones.

Quels rôles peuvent jouer les hubs technologiques comme CTIC Dakar ?

Ce que l'on essaie de faire aujourd'hui, c'est de prendre le modèle de CTIC Dakar dont l'objectif est d'identifier, accompagner et faire croître les start-up. Ce modèle est appelé à être dupliqué dans les autres pays africains. On travaille déjà au Niger, en Mauritanie, ou encore au Togo. Le but est de créer tout un écosystème favorable aux projets, on a depuis le démarrage de nos activités il y a cinq ans accompagné 75 PME et 1 800 entrepreneurs. C'est énorme, me diriez-vous ! Eh bien, selon les chiffres récents des services publics CTIC, cela ne répond qu'à 10 % des demandes en accompagnement ! Ça veut dire qu'il va nous falloir beaucoup plus d'incubateurs et de tech hubs.

 

Comment le gouvernement vous accompagne-t-il ?

Notre gouvernement a pour ambition de lancer une nouvelle cité un gros pôle technologique, à Diamniadio Valley, donc on espère que ce sera l'occasion d'avoir un incubateur qui soit connexe aux autres activités porteuses que peuvent être le tourisme, l'agriculture, l'élevage, la santé, la culture...

N'est-ce pas trop ambitieux par rapport à la réalité du terrain ?

C'est très ambitieux, mais je pense que la clé du succès d'une telle entreprise, c'est le partenariat. Il faut pouvoir se reposer sur des experts, des personnes qui ont eu déjà cette expérience de monter des tech hubs, des pôles technologiques. Il faut qu'au niveau installation, construction pure, on ait déjà des bâtiments qui répondent aux besoins comme les smarts cities, des bâtiments qui soient connectés. Le modèle absolu, c'est le Rwanda ! Ce qui se fait là-bas sur le plan technologique peut pousser nos gouvernements francophones à plus de volontarisme politique. Dans ce sens, il ne faut pas forcément faire aussi grand, mais déjà démarrer pour offrir certaines facilités aux populations. Ce serait déjà une énorme avancée.

Dans ce contexte, comment se défendent les entrep reneurs ?

C'est vrai que, pendant longtemps, on a parlé du profil type de l'entrepreneur qui va changer les habitudes de vie, qui va trouver une solution à un problème. Il y en a encore beaucoup et je pense que c'est important qu'on en ait parce que nous ne sommes pas au même stade de développement que les autres pays, donc nos problématiques se situent encore au niveau de la nourriture, de l'électricité, de l'agriculture, de l'eau, on a besoin d'entrepreneurs qui se penchent sur ces questions basiques. Mais on en a encore beaucoup qui s'intéressent aux hardwares, on avait avant très peu d'entrepreneurs dans ce domaine et, aujourd'hui, on compte aussi les entrepreneurs dont on ne parle jamais : les intrapreneurs ! Ces personnes qui changent la vie d'autres entrepreneurs comme si c'était leurs propres projets.