Quand on parle d'innovation, la plupart des gens pensent immédiatement à la dernière App qui scrute notre vie quotidienne, ou à de nouvelles technologies très coûteuses comme Google Glass, inenvisageables il y a à peine 10 ans.

Mais dans les centres de santé en Afrique, il existe une nouvelle sorte d'innovation low-tech conçue pour aider le personnel de santé, utiliser au mieux les contributions des donateurs, et sauver des vies. BID Initiative Better Immunization Data Initiative, un partenariat dirigé par l'organisation PATH basée à Seattle, est en train de révolutionner le suivi des données sur la vaccination, depuis le laboratoire jusqu'au dernier kilomètre.

Malgré les progrès récents de la vaccination qui ont permis de sauver la vie de millions d'enfants dans le monde, l'acheminement des vaccins vers les communautés les plus retirées se heurte encore à de nombreux obstacles. Un enfant sur cinq n'a toujours pas accès aux vaccins de base, et en Afrique, le taux moyen de vaccination reste bloqué aux alentours de 77 pour cent. Pour réduire cette inégalité, nous devons d'abord comprendre pourquoi ce chiffre ne progresse pas. Une meilleure collecte des données pourrait apporter des réponses et nous aider à trouver de nouveaux moyens pour maximiser les investissements des donateurs dans le domaine des vaccins.

Un suivi plus efficace des données permettra d'identifier les enfants qui n'ont pas été vaccinés et ceux qui n'ont pas reçu le protocole complet de vaccination, ainsi que d'acheminer les vaccins en nombre suffisant, au bon endroit et au bon moment. C'est pour cela que BID Initiative a été créé. L'historique de l'approvisionnement en vaccins et des visites de patients sont trop souvent dissimulées dans des registres poussiéreux ou des notes griffonnées au crayon (souvent en trois exemplaires) par un agent de santé débordé. Non seulement cette manière de travailler est inefficace, mais elle prend un temps précieux qui devrait être consacré aux patients. Par ailleurs, il est quasiment impossible de produire une analyse sérieuse des données collectées de cette manière. Sans informations fiables, facilement accessibles et sur lesquelles on peut agir, les décideurs n'ont pas une image complète de la situation. Il faut donc avoir de meilleures données pour identifier les problèmes les plus importants.

BID Initiative pourrait tout changer. Grâce à ses programmes pilotes en cours en Tanzanie et en Zambie, BID donne aux personnels de santé et aux décideurs nationaux les moyens d'agir en identifiant les lacunes et les meilleurs moyens de les résoudre. Je me suis rendu récemment dans la région d'Arusha en Tanzanie pour voir le programme pilote de BID sur le terrain. Le système de santé de la Tanzanie s'est amélioré régulièrement sous la direction du Dr Dafrossa, responsable du programme élargi de vaccination. "La couverture est passée à plus de 90 pour cent", explique-t-elle. "Nous avons introduit de nombreux nouveaux vaccins, et maintenant grâce à BID Initiative, nous voulons accroître notre efficacité."

Bill & Melinda Gates Foundation

Orin Levine, accompagnée par le personnel de la Fondation Gates et les membres de PATH, rencontre Caroline Agade, clinicienne au dispensaire Green Hope d'Arusha en Tanzanie, le 15 Juillet 2015.

Voici quelques innovations low-tech qui ont eu un impact important :

1. Les solutions appartenant aux pays et dirigées par les pays permettent des améliorations à long terme.

Il n'y a aucun doute qu'une meilleure collecte des données permet une meilleure analyse, un financement plus intelligent et des communautés en meilleure santé. Parce que le personnel de santé travaillant en première ligne dans les cliniques en Afrique sait mieux que quiconque où se situent les lacunes, BID Initiative a créé des Groupes Consultatifs d'Utilisateurs venus de tous les échelons du système de santé de la Tanzanie pour expliquer comment mettre en œuvre les solutions de BID au niveau local.

2. BID se concentre sur l'innovation des procédés, et non sur l'innovation technologique.

Pour qu'ils soient durables, les efforts pour améliorer les données ne peuvent pas dépendre de technologies coûteuses. Des produits technologiques appropriés ne devraient former qu'une partie d'une approche coordonnée associant les politiques, les pratiques et les personnes. En Tanzanie, le Groupe Consultatif d'Utilisateurs a mis en œuvre une intervention peu onéreuse permettant de modifier les procédés. Grâce à un forum de soutien via la plateforme de messagerie WhatsApp, les personnels de santé peuvent s'aider mutuellement pour compléter les rapports et assurer des taux d'approvisionnement en vaccins suffisants dans les établissements de la région. En communiquant entre eux de manière proactive, ils évitent les ruptures de stock dans certaines cliniques et des stocks excédentaires dans d'autres.

Un autre exemple est le lancement du registre électronique national des vaccinations de la Tanzanie dans lequel tous les enfants sont inscrits dès la naissance. En fonction des infrastructures de chaque établissement, le personnel de santé peut enregistrer la vaccination des enfants en ligne ou à l'aide de formulaire papier et de codes-barres compatibles avec le système électronique. Ainsi, au lieu de passer des heures à chercher dans un registre obscur, le personnel de santé peut identifier rapidement les enfants non présents à une séance de vaccination, leur adresse et les coordonnées de leur parent ou tuteur.

Bill & Melinda Gates FoundationLes infirmières numérisent les carnets de santé des nourrissons pour vérifier leur historique de vaccination; ce programme fait partie de l'initiative Better Immunization Data Initiative (BID) du Centre de santé Ngarenaro d'Arusha en Tanzanie, le 15 Juillet 2015.

3. Les améliorations qui produisent de meilleures données sur la vaccination peuvent améliorer d'autres programmes de santé.

Chaque aspect de BID Initiative a été conçu pour être évolutif, moins vertical et ciblé sur l'efficacité. A l'avenir, ces solutions pourront être utilisées non seulement pour aider la vaccination, mais aussi pour collecter et partager des données utiles pour lutter contre la propagation des maladies, promouvoir l'utilisation et l'accès au planning familial, etc.

Des engagements sans précédent de la part des donateurs, des pays en voie de développement et des partenaires ont permis de vacciner près d'un demi-milliard d'enfants, et il faut maintenant s'assurer que les infrastructures et les procédés sont en place pour maximiser ces engagements. Ce sont des interventions sur les procédés, telles que celles de BID, qui auront un impact majeur.