Alors que la situation sécuritaire en Afrique de l’Ouest reste des plus précaires, malgré le déploiement militaire français dans la bande sahélo-saharienne contre les groupes armés terroristes, le risque récurrent des insécurités électorales n’en demeure pas moins présent. Malgré les « succès » relatifs des processus électoraux présidentiels maliens en 2013 et sénégalais en 2012, les prochains mois exigeront sans doute de la communauté internationale une vigilance et une mobilisation accrue.

Une dizaine d’échéances électorales sont prévues en 2015 et 2016 sur le continent africain. Il s’agit, après le « coup de balai » de décembre 2014 ayant provoqué la chute du président burkinabé, Blaise Compaoré, de rendez-vous déterminants. Voilà en effet de sérieuses occasions d’ancrer durablement la démocratie, les droits humains, et la souveraineté populaire.

Le renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit est la meilleure façon de lutter contre les radicalisations, les obscurantismes, les guérillas de toute nature, les fanatismes identitaires, sectaires et religieux, dont se nourrissent et s’enrichissent terroristes, rebelles, narcotrafiquants et criminels de tous ordres mais parfois aussi les régimes kleptocrates.

La Guinée-Conakry, une échéance préoccupante

La présidentielle d’octobre 2015 en Guinée-Conakry fait partie des situations potentiellement les plus critiques. Ces deux dernières semaines ont été endeuillées par le décès de quatre manifestants, dont un jeune tombé sous les balles des forces de l’ordre, qui s’ajoute à la soixantaine de décès que l’on dénombre depuis 2010.

L’instrumentalisation du désœuvrement de la jeunesse, le jeu complexe des forces armées sorties de leurs casernes à l’occasion du décès de Lansana Conté en 2008 (après 24 ans d’une présidence plus ou moins contestée), l’existence d’un certain clivage politique entre les principales ethnies du pays (Peuls, Soussous et Malinkés) sans oublier la corruption qui reste un chantier prioritaire du futur président, sont autant d’ingrédients d’un cocktail explosif en préparation.

Le renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit est la meilleure façon de lutter contre les radicalisations et les obscurantismes. On se souvient que ces mêmes ingrédients avaient « pollué » les deux précédentes échéances électorales (présidentielle en 2010, législatives en 2013 avec plus de deux ans de retard). On se rappelle également que le leader de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, à la tête de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), avait contesté les résultats de ces deux votes. Nul doute que la remise en cause du calendrier électoral et du report inopiné des élections locales alors que le mandat des élus a expiré en 2010 demeure un élément puissant de la contestation qui s’aggrave. Le risque est grand, comme souvent en Guinée, qu’avant de se rendre aux urnes, ce soit dans les rues que se joue le combat électoral, aux prix de trop nombreuses victimes. Les six prochains mois suffiront-ils à éviter un scénario conduisant au refus du verdict des urnes et aux immanquables violences qui s’en suivront ? Rien n’est moins sûr.

Le risque existe d’un basculement vers un manichéisme dangereux pour la sérénité du climat politique guinéen. Pourtant, nombreux sont ceux qui insistent pour que le dialogue inclusif entre toutes les parties aux prochaines échéances rime avec l’acceptation d’une médiation internationale. Celle-ci devrait d’ailleurs émaner de l’Organisation internationale de la francophonie, garante d’une gouvernance transparente, apaisée et généralisée sur l’ensemble du continent africain, comme le sommet de Dakar, en novembre 2014, l’avait proclamé.

L’urgence d’un dialogue politique

La récente visite du président Alpha Condé à Paris est d’ailleurs venue rappeler l’urgence d’un dialogue politique. Il importe d’instaurer un climat de confiance malgré une situation sociale difficile. La Guinée demeure au 178e rang en termes de développement humain dans le classement du PNUD. La France, avec près de 73 millions d’euros d’aide publique au développement, reste le premier pays donateur et a une responsabilité importante dans la stabilisation préélectorale et postélectorale de ce pays aux ressources naturelles qui devraient l’éloigner à tout jamais des tréfonds des classements internationaux. Il incombe au président de la République, François Hollande, fort de son amitié ancienne avec Alpha Condé forgée notamment au sein de l’Internationale socialiste, de veiller à ce que la situation sur place ne s’aggrave pas.

La France demeure, depuis l’indépendance en 1958, un partenaire de référence, qu’il s’agisse de la coopération économique (130 millions d’euros) ou de la coopération en matière de défense et sécurité (malgré son interruption de septembre 2009 à février 2010 suite au coup d’Etat militaire de Dadis Camara).

Cela confirme que la France doit être aux « avants postes » afin d’éviter que les six prochains mois n’aboutissent à une issue tragique, nous remémorant les tristes heures du 28 septembre 2009 qui avaient vu la mort de 157 civils. Le rôle de la France en Guinée et en Afrique en général est une évidence géopolitique garantissant l’indépendance, la paix et la stabilité du continent africain.

 

Par Jean-Paul Benoit