INTERNATIONAL - Après un an et demi de marathon diplomatique et plus d'une décennie de conflit, les négociations internationales sur le nucléaire iranien sont entrées mardi 31 mars dans la dernière phase en direction d'un accord global et définitif. Les chefs de la diplomatie des grandes puissances et de l'Iran se sont retrouvés tôt dans la matinée à Lausanne, après une courte nuit au cours de laquelle leurs experts avaient tenté de venir à bout des dernières questions en suspens.

"Nous avons fait suffisamment de progrès au cours des derniers jours pour mériter de rester jusqu'à mercredi", a déclaré la porte-parole du Département d’Etat Marie Harf, ajoutant qu'il restait cependant toujours "plusieurs sujets difficiles".

Les discussions doivent donc reprendre ce mercredi matin, quelques heures après avoir été suspendues dans la confusion, la Russie et l'Iran évoquant des progrès, voire un début d'accord, tandis que les Etat-Unis assuraient que toutes les questions n'avaient pas été réglées. Le ministre français Laurent Fabius a quant à lui quitté la ville suisse sans faire de déclaration. Mais pourquoi États-Unis, Grande-Bretagne, Russie, Chine, France et Allemagne s'arrachent les cheveux pour trouver un accord? Quel est le problème avec le nucléaire en Iran? Le HuffPost vous propose de faire le tour de la question revenant sur 5 périodes clés depuis le début du conflit.

  2002 : La découverte

Membre de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), l'Iran a signé en 1968 le traité de non-prolifération nucléaire (TNP) des Nations unies qui a pour objectif principal d'empêcher les États dotés d'armes nucléaires d'en transférer ou d'aider ceux qui n'en ont pas à en produire tout en garantissant le droit à chaque pays de développer la recherche, la production et l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques. La différence entre ces deux types de produit (civil et militaire) et leur utilisation potentielle repose sur leur niveau d'enrichissement en uranium 235. Pour être utilisé dans des centrales nucléaires l'uranium a besoin d'être faiblement enrichi, c'est-à-dire entre 3 et 5 %. Au-delà de 20 %, l'uranium est considéré comme hautement enrichi et peut-être utilisé, en théorie, pour concevoir des bombes atomiques. En pratique, ce métal lourd radioactif est enrichi à plus de 85% lors d'utilisations militaires.

Le conflit avec l'Iran démarre en 2002, sur cette distinction. Alors que le pays se démène depuis 1975 pour terminer la construction de sa première centrale nucléaire à Bouchehr, un dissident révèle l'existence de deux sites nucléaires inconnus du reste du monde à Natanz et à Arak. Washington accuse alors Téhéran de chercher à hautement enrichir de l'uranium et de construire des armes de destruction massive et Téhéran décide d'autoriser les agents de l'AIEA à inspecter ces installations.

2003 - 2004 : Premier pas vers les négociations

Après la visite de l'AIEA — qui trouve des traces d'uranium enrichi et qui annonce que Natanz est en train de construire plus de 1000 centrifugeuses —, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et la France demandent durant l'été 2003 à l'Iran de négocier sur le nucléaire.

 

Ces trois pays, surnommés "UE3", envoient sur place chacun leur chef de la diplomatie pour une réunion historique qui débouche sur un accord: l'Iran accepte des inspections surprises de l'Agence internationale de l'énergie atomique sur les sites nucléaires. L'année suivante, Téhéran signe avec l'UE3 un nouvel accord et annonce au mois de novembre 2004 suspendre son programme d'enrichissement de l'uranium.

2005 - 2010 : Ahmadinejad ferme la porte aux discussions

Mahmoud Ahmadinejad remporte l'élection présidentielle en juin 2005 et change radicalement la ligne diplomatique du pays sur ce dossier. Deux mois plus tard, l'Iran reprend l'enrichissement d'uranium dans son usine d'Ispahan. Le nouveau président défend devant l'ONU le droit du pays à développer un programme nucléaire civil. Au mois de janvier 2006, l'Iran lève des scellés de l'AIEA sur plusieurs centres de recherche nucléaire ce qui déclenche le transfert de cette affaire devant le Conseil de sécurité de l'ONU qui décrète quelques mois plus tard la suspension obligatoire de "toutes les activités liées à l'enrichissement" dans le pays.

Face à cette décision qu'elle juge "illégale" et aux premières sanctions économiques qui tombent, Téhéran réduit sa coopération avec l'AIEA à partir de 2007. A la fin de cette même année, Mahmoud Ahmadinejad assure que le pays abrite maintenant plus de 3000 centrifugeuses. Ce qui lui permettrait en théorie d'obtenir suffisamment d'uranium hautement enrichi pour fabriquer une bombe atomique en moins d'un an.

nucleaire iran

En 2008, les cinq membres du Conseil de sécurité (États-Unis, Russie, Chine, France et Grande-Bretagne) et l'Allemagne — surnommé le groupe des 5+1 — lancent une nouvelle salve de négociations qui prend vite fin quand l'Iran inaugure à Ispahan sa première usine de combustible nucléaire. Les discussions ne reprennent qu'en 2009 et la diplomatie internationale propose alors à l'Iran un accord prévoyant que le faible enrichissement de l'uranium iranien se fasse à l'étranger. Mais Téhéran refuse de se faire transiter ce métal lourd radioactif en dehors de ses frontières. En 2010, l’Iran commence à enrichir de l’uranium à 20 %.

 2011 - 2012 : Accélération des sanctions internationales

Si en 2010 de nouvelles sanctions sont votées par l'ONU mais aussi par les États-Unis et l'Union Européenne, c'est à partir de 2011 que les répercussions prennent de l'ampleur. Un renforcement des sanctions est décidé avant que plusieurs nouveaux rapports de l'AIEA ne soient publiés, dont un faisant mention de "sérieuses inquiétudes" sur la situation et évoquant une "possible dimension militaire du programme nucléaire" qui se développe dans le pays.

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En guise de représailles, un embargo sans précédent sur le pétrole iranien décidé par l'Union Européenne entre en vigueur au 1er juillet, accompagné de suppressions de visas et de gels d'avoirs. Les négociations entre les 5+1 et l’Iran reprennent plusieurs fois mais n'avancent pas. L'année 2012 se termine avec un nouveau rapport de l'AIEA prévenant que le site de Fordo fonctionne et permet à l'Iran d'augmenter significativement sa capacité d'enrichissement.

 

    2013 - aujourd'hui : L'espoir d'un (difficile) accord

La situation prend un tournant nouveau en juin 2013 avec l'élection du président modéré Hassan Rohani. Ce dernier affirme être ouvert à des "négociations sérieuses". Symbole de ce changement de ton, le coup de fil historique entre Obama et Rohani, premier contact d'un président américain avec un président iranien depuis 1979. Les négociations reprennent à Genève quelques semaines plus tard entre l'Iran et le groupe des 5+1. Téhéran se dit alors prêt à accepter de nouveau le principe d’inspections surprises de ses sites nucléaires, comme en 2003. Un accord provisoire est enfin établi: l'arrêt du programme d’enrichissement contre la levée d'une partie des sanctions économiques.

Commence ensuite une longue série de sessions de négociations pour se mettre d'accord sur les détails du projet définitif. D'un commun accord, l'échéance fixée à juillet 2014 est repoussée car certains points clés posent problème comme la réduction du nombre de centrifugeuses et de stocks d'uranium en Iran.

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La nouvelle échéance est maintenant fixée au 30 juin 2015 et les P5+1 et l'Iran étaient censés parvenir mardi 31 mars avant minuit à un premier compromis fondamental sur ce dossier inextricable pour tenir cette date butoir. Face aux progrès enregistrés mais en l'absence d'accord, il a cependant été décidé mercredi 1er avril de poursuivre ces discussions.