Les députés burkinabè doivent se prononcer ce jeudi sur le projet de révision constitutionnelle qui permettrait au président Blaise Compaoré de se représenter en 2015. À Ouagadougou, où tous les accès à l'Assemblée nationale ont été bouclés, la tension est maximale.

C'est une journée à hauts risques au Burkina. Jeudi 30 octobre, les députés doivent se pencher sur le projet de révision constitutionnelle qui permettrait au président Blaise Compaoré de se représenter à la présidentielle de 2015. L'examen par l'Assemblée nationale de cette modification de la Constitution, pour porter à trois le nombre maximum de quinquennats, mettra fin à un long suspense. Mais il pourrait aussi embraser le pays et engendrer des violences au sein de sa jeune population.

Majorité et opposition s'empoignent régulièrement depuis de longs mois au sujet de l'article 37 limitant à deux les mandats présidentiels, qui empêche pour l'instant Blaise Compaoré, âgé de 63 ans, de se représenter en 2015. "Ça fait au moins cinq ans" que dure le débat sur cet article, observait samedi le chef de l'État burkinabè, dans une interview à la BBC. Arrivé aux affaires il y a 27 ans par un putsch, Compaoré, qui devait achever l'an prochain son dernier mandat, après deux septennats (1992-2005) et deux quinquennats (2005-2015), se verrait offrir un futur bail à la tête du pays. Lui qui a déjà modifié deux fois l'article 37, en 1997 puis en 2000, pour se maintenir au pouvoir, invoque le respect strict de la loi pour justifier cette troisième retouche.

"Printemps noir au Burkina Faso"

Mais l'opposition craint que ce nouveau changement, qui ne devrait pas être rétroactif, conduise le chef de l'État, déjà élu quatre fois avec des scores soviétiques, à accomplir non pas un mais trois mandats supplémentaires, lui garantissant 15 années de plus au pouvoir. Les ténors de l'opposition, depuis quelques jours, appellent donc le peuple à "marcher sur l'Assemblée" afin d'empêcher le vote. "Le 30 octobre, c'est le printemps noir au Burkina Faso, à l'image du printemps arabe", lançait mercredi Emile Pargui Paré, ex-candidat à la charge suprême et cadre d'un influent parti d'opposition, envisageant une "prise de la Bastille" à la sauce burkinabè.

La monumentale manifestation de mardi, qui a vu des centaines de milliers de personnes arpenter les rues ouagalaises - un million, selon l'opposition - pour dénoncer le "coup d'État constitutionnel", va dans ce sens. Son épilogue violent, quand des centaines de jeunes, munis de barres de fer et de pierres, ont affronté les forces de l'ordre, montrent aussi que certains sont prêts à se battre. De premières échauffourées s'étaient produites dans la nuit de lundi à mardi.

Sécurité maximale

Mais empêcher le vote s'annonce difficile. Depuis mardi soir, une centaine de policiers quadrillaient les abords du Parlement, rejoints pas de nombreux militaires mercredi. Pour éviter tout heurt, les députés de la majorité ont en outre dormi dans la nuit de mercredi à jeudi dans un hôtel voisin de l'Assemblée, gardés par des éléments en arme du régiment de la sécurité présidentielle, un corps d'élite. "On peut craindre des incidents aux points d'accès de la zone étanchéifiée, observe une source diplomatique. Mais pour le moment, on hésite dans les deux camps à passer aux affrontements physiques."

Le détonateur pourrait être le résultat du vote. Si trois-quarts des députés se prononcent pour le projet de loi, il passera directement par voie parlementaire, sans recours au référendum. Un tel mode de révision ferait de nombreux mécontents au sein de la jeunesse. Quelque 60% des 17 millions d'habitants ont moins de 25 ans et n'ont jamais connu d'autre dirigeant que Blaise Compaoré.

Si les leaders de l'opposition appellent à prendre l'Assemblée, ils demandent également à la population de ne pas sombrer dans la violence. "L'opposition pourrait être dépassée par sa base", jeune, qui a des positions "jusqu'au-boutistes", estime Siaka Coulibaly, un politologue. C'est "le jour de tous les dangers", affirme un diplomate, qui ne se risque à aucun pronostic sur d'éventuelles violences. "Mais vendredi, samedi ou mardi le seront aussi. Car que se passera-t-il pour les députés une fois de retour chez eux ?"

(Avec AFP)