Le président la RDC est beaucoup attendu sur le débat d'une probable modification de la constitution actuellement en cours dans son pays. Le processus de démocratisation qui a commencé il y a vingt ans en Afrique s'essouffle. Dans de nombreux pays, l'Etat de droit est mis à mal, les constitutions manipulées, l'opposition marginalisée, le clientélisme et la corruption sont érigés en instruments de gouvernance.

Certains experts et membres de la société civile appellent à une refondation de la démocratie dans le continent de Senghor et de Mandela. Lorsque Senghor quitta volontairement la présidence du Sénégal après avoir exercé le pouvoir pendant près de vingt ans, il était qualifié de « déserteur » par ses pairs, notamment par le Tunisien Bourguiba et l'Ivoirien Houphouët Boigny qui, eux, avaient opté, pour la « présidence à vie ».

La tradition des « présidents monarques » qui s'inscrustent au pouvoir, n'est certes pas spécifiquement africaine, avec les Islam Karimov, les Noursoultan Nazarbaïev ou encore les Bachar al-Assad prospérant à travers le monde. Il n'en reste pas moins que sur les 19 chefs d'Etat qui ont accédé au pouvoir au siècle dernier et qui s'accrochent à leur place, 14 - donc, les trois quarts - sont africains ! Les 4 présidents en place dans le monde depuis plus de trente ans sont tous africains ; 8 sur 10 de ceux qui ont accédé au pouvoir il y a plus de vingt ans le sont aussi !

Un mal africain ?

La pérennisation et la monopolisation du pouvoir sont devenues les traits caractéristiques de la pratique politique africaine. Les statistiques sur des dirigeants accros au pouvoir font écho aux débats qui secouent, en ce moment même, plusieurs pays d'Afrique, où les présidents dont les mandats arrivent prochainement à échéance cherchent arguments et moyens pour modifier la Charte fondamentale qui leur interdit d'effectuer plus de deux mandats.

Après Ben Ali (Tunisie), Eyadéma père (Togo), Paul Biya (Cameroun), Omar Bongo (Gabon), Mamadou Tandja (Niger), Idriss Déby (Tchad), Yoweri Museveni (Ouganda), Abdelaziz Bouteflika (Algérie) et Ismaïl Omar Guelleh (Djibouti) qui ont réussi à modifier leurs Constitutions pour se perpétuer au pouvoir, d'autres chefs d'Etat africains en fin de mandats présidentiels autorisés par la loi, sont gagnés par la tentation de prolonger leur mandature.

Au cours des trois années qui viennent, la question va se poser notamment pour Lucas Pohamba de Namibie (fin de mandat en novembre 2014), Pierre Nkurunziza de Burundi (fin de mandat en juin 2015), Jakatya Kikwete de Tanzanie (fin de mandat en octobre 2015), Blaise Compaoré du Burkina Faso (fin de mandat en novembre 2015), Thomas Boni Yayi du Bénin (fin de mandat en mars 2016), Denis Sassou Nguesso du Congo-Brazzaville (fin de mandat en juillet 2016), Joseph Kabila de la RDC Congo (fin de mandat en décembre 2016), Paul Kagame du Rwanda (fin de mandat en juillet 2017), Ellen Johnson Sirleaf du Liberia (fin de mandat en novembre 2017) et Ernest Koroma de Sierra Leone (fin de mandat en 2017).

Les états majors de certains de ces dirigeants ont déjà commencé à préparer l'opinion dans leurs pays respectifs à coups d'arguments déjà entendus avant (« on a besoin de stabilité politique pour se développer », « pourquoi se priver de l'expérience et de la capacité de leadership d'un homme (ou d'une femme) qui a démontré son aptitude à gouverner », « la population elle-même le demande »!). Ils se proposent donc de changer la Constitution, rappelant que c'est un droit démocratique. La Constitution française de 1791 ne postulait-elle pas que « la nation a le droit imprescriptible de changer sa constitution ». Des arguments dont l'entourage du Camerounais Paul Biya s'est servi avec un certain succès pour faire supprimer en 2008 cette limitation du nombre de mandats dans la Loi fondamentale du Cameroun.

Rappelons que le président camerounais est un des plus vieux chefs d'Etat au pouvoir en Afrique, qui a succédé à l'ancien président Ahidjo en 1982 et, depuis, a souvent remporté les scrutins électoraux avec des scores quasi-soviétiques ! Fort de son amendement constitutionnel, il a été réélu pour un nouveau septennat en 2011.

Le parlement algérien a lui aussi modifié la Constitution en 2008 pour permettre au président Bouteflika de briguer un troisième mandat l'année suivante, puis un quatrième mandat en 2014, et cela malgré les séquelles d'un AVC qui a réduit ses capacités de mobilité et d'élocution. Aujourd'hui, pour s'attirer les bonnes grâces de l'opposition, le gouvernement algérien propose de revenir à la limitation à deux le nombre de mandats présidentiels.