François Hollande a raison quand il met en garde contre toute « importation » du conflit israélo-palestinien en France. Manuel Valls parle juste quand il martèle que « la France ne laissera pas les esprits provocateurs alimenter je ne sais quel conflit entre les communautés ». Mais en choisissant la voie de l'interdiction de manifester, le président de la République et le premier ministre ont joué aux pompiers pyromanes.

Contrairement au droit de grève, le droit de manifester n'est pas inscrit formellement dans la Constitution. Mais la Loi fondamentale se réfère à la Déclaration des droits de l'homme de 1789, qui affirme que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ».

Toute manifestation doit être déclarée à la Préfecture de police, en indiquant, au moins trois jours avant, sa date, son heure et son parcours. En d'autres termes, le droit de manifester fait partie des libertés publiques, mais il est légitimement encadré.

AVEU D'IMPUISSANCE

Interdire une manifestation, c'est donc d'abord un aveu d'impuissance de la part du gouvernement. Il reconnaît qu'il n'aura pas les moyens d'éviter les débordements. Le 13 juillet, la manifestation propalestinienne organisée à Paris avait dégénéré, avec des violences totalement inadmissibles aux abords d'une synagogue. C'est pour éviter la répétition de tels incidents que les manifestations prévues le 19 juillet à Paris et le 20 juillet à Sarcelles (Val-d'Oise) ont été interdites.

Avec une telle décision, le président a pris un double risque. Il a conforté l'idée, après ses premières déclarations apportant son soutien au gouvernement israélien face aux tirs de roquettes du Hamas, qu'il avait choisi le camp d'Israël, rompant avec le traditionnel équilibre de la diplomatie française. Les images de ces enfants palestiniens tués alors qu'ils jouaient sur une plage de Gaza ont alimenté l'émotion, voire la colère – y compris parmi des amis d'Israël.

A l'heure où les réseaux sociaux sur Internet apportent un puissant concours à l'organisation des manifestations, c'était une erreur – ou une naïveté – de croire qu'il suffisait d'interdire un rassemblement pour qu'il n'ait pas lieu. Au lieu d'apaiser, cela n'a fait qu'attiser les tensions.

INTERDIRE C'EST RENDRE LES ARMES

Le résultat est consternant. Là où, en France, les manifestations propalestiniennes ont été autorisées, elles se sont déroulées dans le calme. Là où elles ont été interdites, à Paris et à Sarcelles, elles ont donné lieu à de nouveaux – et inadmissibles – débordements. Dans la cité du Val-d'Oise, où, depuis des années, les communautés musulmane et juive cohabitent en bonne intelligence, des affrontements ont opposé des minorités radicales des deux camps. C'est le vivre- ensemble qui a été mis en péril.

Les incidents du week-end sont la preuve de l'inanité de telles interdictions. « Ceux qui veulent exprimer leur soutien à une cause en ont le droit », a expliqué Alain Juppé, en ajoutant : « Mais pas par la violence de rue, la haine de l'autre. » L'ancien premier ministre a raison. C'est en encadrant les manifestations que l'Etat peut affirmer son autorité et éviter que la violence prenne le dessus. En interdisant, il rend d'avance les armes.