Les premiers résultats des élections locales qui se sont tenues le 29 juin au Sénégal marquent une cuisante défaite pour la mouvance présidentielle, dont les principaux leaders ont été battus. Si elles ne consacrent pas de véritable vainqueur, les élections locales qui se sont déroulées le 29 juin s’avèrent un désaveu cinglant pour le président Macky Sall, son parti, l’Alliance pour la République (APR), et son gouvernement.

De la septentrionale Podor, dans la vallée du fleuve Sénégal, à la méridionale Ziguinchor, en Basse-Casamance, la quasi-totalité des têtes d’affiche de la mouvance présidentielle se sont en effet inclinées dans les urnes. Si la perspective d’un vote-sanction était considérée comme vraisemblable jusque dans l’entourage de Macky Sall, l’ampleur de cette déroute électorale a tout de même de quoi surprendre.

Dans les bastions électoraux importants, les candidats officiellement investis par la coalition gouvernementale Benno Bokk Yakaar (BBY) doivent se contenter d’un maigre butin. Chez les ministres, seul Aly Ngouille Ndiaye (Industrie et mines) retombe sur ses pieds en remportant la mairie de Linguère. À Fatick, le fief de Macky Sall, l’honneur est sauf : le successeur à la mairie de l’actuel président de la République a été réélu malgré la profusion de listes dissidentes émanant de son propre camp.

À Kaolack, l’ancienne ministre Mariama Sarr tire son épingle du jeu. Et à Guediawaye, le jeune frère du chef de l’État, Aliou Sall, pourtant parachuté dans cette commune de la banlieue dakaroise, est parvenu à s’imposer. Quant à la victoire du candidat présidentiel à Yoff, l’une des dix-neuf communes de Dakar, elle ne saurait occulter la razzia opérée dans la capitale par le maire sortant, le socialiste Khalifa Sall.

Partout ailleurs, au vu des estimations disponibles lundi matin, l’ensemble des ténors de la mouvance présidentielle se sont inclinés. À Ziguinchor, l’opposant Abdoulaye Baldé (Union centriste du Sénégal) retrouve son siège de maire, écartant au passage les ministres Benoît Sambou (Jeunesse), Haïdar El Ali (Pêche) et l’administrateur général du Fongip (et conseiller présidentiel) Doudou Kâ.

    À Dakar, nombre d’observateurs spéculent sur une démission imminente de "Mimi" Touré.

À Sokone, Abdoulatif Coulibaly (ministre de la Bonne gouvernance) s’incline. À Saint-Louis, le maire sortant, Cheikh Bamba Dièye (également ministre de la Communication et de l’Économie numérique), le beau-frère du président, Mansour Faye (tête de liste officielle de BBY), et l’ancien ministre des Affaires étrangères, Alioune Badara Cissé (candidat dissident issu de l’APR), font les frais de l’éparpillement du vote pro-Macky entre listes concurrentes et voient le candidat du Parti démocratique sénégalais (PDS, opposition) leur ravir la mairie.

À Podor, la socialiste Aissata Tall Sall parvient à conserver son fauteuil de maire pour une poignée de voix face à une alliance de circonstances entre l’APR et le PDS. À la Médina (Dakar), le secrétaire général du gouvernement et porte-parole du parti présidentiel, Seydou Guèye, trépasse. Aux Parcelles Assainies (Dakar), l’ancien ministre de l’Intérieur, Mbaye Ndiaye, par ailleurs responsable des structures de l’APR, est battu par le candidat de la liste Taxawu Dakar…

 

Fiasco à Dakar

C’est également dans la capitale que survient le fiasco au sommet du camp présidentiel, avec la défaite de la première ministre Aminata Touré. Battue dans son propre bureau de vote, celle qui entendait défier, dans son fief de Grand-Yoff, le socialiste Khalifa Sall a reconnu sa défaite dès 22 heures. "Nous allons nous remettre au travail et conquérir d’autres victoires, a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse improvisée dimanche soir. Comme un cavalier, on tombe du cheval et on se remet en selle." À Dakar, nombre d’observateurs spéculent néanmoins sur une démission imminente de "Mimi" Touré, engagée dans une compétition où la défaite n’était pas permise.

Malgré un taux de participation modeste (autour de 37 %), les premiers enseignements du scrutin peuvent être facilement dégagés. Tout d’abord, les Sénégalais ont adressé un message clair à Macky Sall, désavouant quasi-systématiquement les personnalités associées à son gouvernement, à son parti ou à sa famille.

    Les remaniements au sein du gouvernement et du parti présidentiel pourraient bien virer à la purge. Le scrutin semble par ailleurs annoncer l’acte de décès de la coalition Benno Bokk Yakaar, plus divisée que jamais au lendemain de ces locales. En s’en allant défier ses "alliés" du parti socialiste dans nombre de leurs bastions, au lieu de s’appuyer sur leur bonne implantation locale dans le cadre d’un véritable partenariat électoral, le parti présidentiel avait opté pour une stratégie risquée. Hier, celle-ci s’est révélée calamiteuse, le PS ayant globalement résisté aux assauts de la mouvance présidentielle. Dans les rangs socialistes, on sait désormais que l’alliance conclue avec l’APR ne vaut qu’à sens unique – au profit exclusif du parti présidentiel. Un constat qui semble donner raison aux cadres du PS qui, à l’instar d’Aissata Tall Sall, militent pour que le parti de Senghor retrouve au plus vite son autonomie et présente son propre candidat face à Macky Sall à la prochaine présidentielle.

Quant à savoir qui pourrait être ce candidat, le scrutin d’hier est également éclairant. Apparemment plébiscité dans une quinzaine de communes sur les 19 que compte Dakar, le maire sortant Khalifa Sall réussit le jackpot. Plus que jamais, il se retrouve en position de présidentiable, à condition toutefois que son parti finisse par adopter un positionnement clair au lieu de godiller autour de l’APR et de son président.

Depuis plusieurs semaines, confronté à de multiples listes dissidentes ou concurrentes, le président de la République avait fait savoir que les perdants, dans son camp, seraient sanctionnés. Au vu des premiers résultats, les remaniements au sein du gouvernement et du parti présidentiel pourraient bien virer à la purge.