Tromp enterre l'accord avec l'Iran (et tout le reste), la "diplomatie de la séduction" de Macron mise en cause. L'opposition éreinte la stratégie du président français qui prépare pourtant une riposte coordonnée au retrait américain. Jusqu'au bout, Emmanuel Macron aura fait tout ce qu'il a pu pour convaincre son "ami" Donald Trump de renoncer à retirer les États-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien. Mais comme pour les accords de Paris sur le climat, ni la prestigieuse visite d'État à Washington ni les nombreux coups de téléphone du président français n'ont réussi à faire évoluer d'un iota l'impétueux milliardaire américain, avant tout soucieux de "tenir ses promesses" de campagne, quelles qu'en soient les conséquences. Un désaveu de plus pour la stratégie diplomatique française que l'opposition, de l'extrême gauche à l'extrême droite en passant par le Parti socialiste et Les Républicains, n'a pas manqué de souligner depuis mardi soir.

"Plutôt que de s'essayer à une 'diplomatie de la séduction' dont rien à ce jour n'a prouvé l'efficacité sur l'accord iranien -ni sur le commerce international ou sur le respect de l'accord de Paris sur le climat- il est urgent de rechercher avec nos partenaires européens à garantir l'application de cet accord avant que l'escalade et la surenchère ne l'emportent sur la raison", a critiqué le Parti socialiste dans une allusion explicite à la complicité affichée par Emmanuel Macron et Donald Trump. "Cette décision inquiétante pour la paix internationale reflète l'échec des négociations de la diplomatie française et l'inutilité des gesticulations d'Emmanuel Macron", a tweeté la vice-présidente LR Virginie Calmels. "La dénonciation par Trump de l'accord avec l'Iran est un échec cinglant pour Emmanuel Macron déjà humilié sur le climat. L'attitude de soumission d'Emmanuel Macron lors de sa visite est encore plus indécente", a renchéri le président de Debout la France Nicolas Dupont-Aignan tandis que le porte-parole du FN Sébastien Chenu estimait que "la visite de Macron aux Etats-Unis n'a servi à rien dans le dossier du nucléaire iranien". "La France doit affirmer une position clairement distincte de celle de Donald Trump", a tranché de son côté le chef de file de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon, résumant l'avis général de l'opposition française, vent debout contre ce qu'elle considère comme un "alignement sur l'unilatéralisme belliciste des Etats-Unis".

Si les réactions sont aussi vives et sévères, c'est aussi parce qu'elles sanctionnent une série de déconvenues pour Emmanuel Macron qui n'a toujours pas réussi à convertir son aura sur la scène internationale en succès diplomatiques sonnants et trébuchants. Depuis son élection il y a un an, le jeune président de la République a opté pour une tactique inverse à celle de son alliée allemande Angela Merkel en ménageant l'imprévisible président Trump dans l'espoir d'adoucir ses positions les plus radicales. Fidèle à sa stratégie de "parler avec tout le monde", de Vladimir Poutine jusqu'au président turc Erdogan, Emmanuel Macron a ainsi reçu avec les honneurs Donald Trump pour le 14 juillet, offrant sur un plateau au chef d'Etat américain la reconnaissance internationale qui lui faisait défaut jusqu'alors. "Donald Trump, je le connais bien maintenant. La relation personnelle qui s'incarne avec mes interlocuteurs est une adaptation permanente qui ne vaut que si elle est au service d'une stratégie", assumait ce week-end dans Le JDD un Emmanuel Macron adepte du "damage control".

 

Un "damage control" qui, pour l'heure, ne contrôle pas grand chose. Hormis la reconnaissance et l'encombrante "amitié" de son homologue américain, Emmanuel Macron n'a quasiment rien obtenu d'autres. Comme promis, Donald Trump s'est retiré des Accords de Paris sur le climat puis de l'Unesco, conspué ses alliés pour qu'ils contribuent davantage au financement de l'Otan, a menacé l'Europe (ainsi que le reste du monde) de sanctions commerciales. Autant d'échecs pour la diplomatie française qui n'a même pas réclamé d'excuses après les mimiques injurieuses du président américain raillant les attentats du 13 novembre. Un épisode qui n'a pas fait qu'exacerber le ressentiment d'une classe politique française soucieuse de préserver le mantra gaullien de l'indépendance de "la voix de la France".

Ni naïveté, ni faiblesse

"Trump peut difficilement accepter ce que Macron attend de lui sans perdre sa crédibilité auprès de sa base populiste", expliquait récemment John Springford au Centre for European Reform à Londres pour justifier les difficultés du président français à se faire entendre de son allié. Mais désormais, c'est la crédibilité d'Emmanuel Macron sur la scène diplomatique qui est en jeu. Contrairement au premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui peut se targuer d'avoir obtenu le très symbolique transfert de l'ambassade américaine à Jérusalem ou encore la rupture de l'accord iranien, son principal rival régional, le président français a investi une large part de son crédit intérieur et international dans sa relation avec Donald Trump. Au risque de se voir accuser de "naïveté", voire de "faiblesse". Des accusations que le président français tente de contenir. "Je parle au président américain en sachant parfaitement que sa politique étrangère répond toujours à ses objectifs de politique intérieure", avec un "prisme anti-iranien", expliquait-il ce week-end dans Le JDD comme pour souligner qu'il ne se faisait pas d'illusion sur sa capacité à influer sur les décisions de son allié. Avant même son départ des Etats-Unis, Emmanuel Macron avait déjà confié à des journalistes américains qu'il n'avait pas réussi à convaincre Donald Trump sur le dossier iranien.

Quant aux critiques sur sa faiblesse, Emmanuel Macron leur oppose sa détermination à continuer à avancer, avec ou sans l'aval des Etats-Unis. A l'image de son opération "Make our planet great again" qui avait répondu à la sortie des accords de Paris sur le climat, le président de la République entend continuer à répondre par le multilatéralisme aux décisions unilatérales de Washington. "La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni regrettent la décision américaine de sortir de l'accord nucléaire iranien", a-t-il réagi dès mardi soir en mettant en scène l'unité des trois principales puissances européennes avant de mettre en branle une série de réunions visant à accentuer l'isolement américain. Le président français Emmanuel Macron devait s'entretenir ce mercredi par téléphone avec son homologue iranien Hassan Rohani pour lui faire "part de notre volonté de rester dans l'accord" et l'appeler à faire de même. Objectif: éviter une escalade diplomatique pour sauver l'accord iranien. En attendant que Donald Trump (ou son successeur) revienne un jour à la raison.